Le syndrome du "cœur brisé" livre ses secrets




Une étude internationale lève le voile sur la cardiomyopathie, une pathologie largement méconnue qui peut s'avérer mortelle.


syndrome © Martin Lee/REX/REX/SIPA

MÉTAPHORE. Peut-on réellement avoir le "cœur brisé" ? Cette expression, utilisée le plus souvent après une rupture amoureuse, n'est pas qu'une simple image : il existe même un syndrome qui porte ce nom. Décrit pour la première fois dans les années 1990 par des chercheurs japonais, le syndrome du "cœur brisé" se déclenche après un stress émotionnel ou physique et cause une défaillance cardiaque aiguë. Un phénomène, nommé scientifiquement "cardiomyopathie", et qui vaut à cette maladie le surnom japonais de "Takotsubo" (signifiant "piège à pieuvre"), car le ventricule gauche du cœur atteint fait penser au vase utilisé par les pêcheurs de pieuvres, soit un cou étroit et un corps gonflé (voir la vidéo du tweet ci-dessous).




Malgré ces observations précises, le syndrome du "cœur brisé" reste largement méconnu des scientifiques. Quand survient-il ? Quelle est sa mortalité ? Certaines affections psychiatriques et neurologiques sont-elles susceptibles de le causer ? Pour répondre notamment à ces questions, 26 chercheurs issus de neuf pays ont analysé les données de 1.750 patients entre 1998 et 2014 afin de percer les mystères de cette maladie. Leur étude, publiée dans The New England of Journal Medicine, est la plus vaste réalisée à ce jour.

Des symptômes proches de l'infarctus

Les chercheurs ont ainsi mis en évidence le fait que ce syndrome touchait particulièrement (et sans que l'on sache pourquoi) des femmes ménopausées. Il est déclenché par un spasme (contraction involontaire)temporaire des petits vaisseaux dans le muscle cardiaque, ce qui conduit à une diminution de la circulation sanguine et donc une défaillance de l'organe. Dans sa phase aiguë, les symptômes du "cœur brisé" sont similaires à ceux d'un infarctus du myocarde (couramment nommé "crise cardiaque") : il se manifeste par des douleurs thoraciques (dans les trois quarts des cas), un essoufflement (dans presque 50 % des cas) et une syncope (dans moins de 10 % des cas).  

CAUSES. Selon cette analyse, la pathologie peut intervenir dans des situations de stress émotionnels très diverses, comme la perte d'un être cher, un conflit familial ou au travail. Mais contrairement aux premières descriptions faites sur ce syndrome, cette étude souligne que d'autres facteurs (insuffisance respiratoire aiguë, intervention chirurgicale, etc.)déclenchent plus souvent la maladie (36 % des cas) que ces causes d'ordre émotionnels (27,7 %). Par ailleurs, aucun événement stressant n’a été mis en évidence chez près d’un patient sur trois.

Un trouble peut en cacher un autre

Les auteurs de l'étude ont également découvert que plus de la moitié (55,8 %) des patients avec un "Takotsubo" ont des antécédents ou un contexte d’atteinte neurologique ou psychiatrique, contre 25,7 % chez ceux avec un infarctus du myocarde. Il s’agit par exemple d’épilepsie, de traumatisme crânien ou d’un accident vasculaire cérébral (AVC). "Ainsi, il est possible que ce trouble soit considérablement sous-diagnostiqué",précise dans un communiqué Christian Templin, le responsable de l'étude.Ce dernier confirme également que l’électrocardiogramme ne suffit pas à différencier infarctus et syndrome du "cœur brisé". Une angiographie coronaire ou une IRM sont indispensables. Enfin, les chercheurs ont également établi que la mortalité du syndrome "Takotsubo" (3,7 %) était presque aussi élevée que celle des crises cardiaques (5,3 %), contrairement à ce que les scientifiques pensaient jusqu'à présent.
TRAITEMENTS. Les chercheurs espèrent que leurs travaux permettent aux médecins de ne pas sous-estimer la gravité de cette maladie et de suivre de près les patients afin de traiter d'éventuelles complications ou rechutes. Il n'existe pas encore de traitement réservé à cette pathologie. De manière empirique, de nombreux patients se voient prescrire dans l'année suivant leur "Takotsubo" des bêtabloquants (en particulier des médicaments inhibant l'angiotensine II, une hormone qui augmente la pression artérielle). Mais ce traitement ne s'avère pas très efficace, puisque plus de 20 % des patients qui déclenchent un "Takotsubo" en prennent déjà...

Source : sciencesetavenir