DECOUVERTE. Un nouvel acteur potentiel dans la maladie d'Alzheimer !



Un nouveau peptide jouerait un rôle actif dans la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs alertent sur des conséquences possibles de cette découverte sur certains essais cliniques en cours.


IRM montrant un cerveau dont les hippocampes sont atteintes par la maladie d'Alzheimer. ©DURAND FLORENCE/SIPA
IRM montrant un cerveau dont les hippocampes sont atteintes par la maladie d'Alzheimer. ©DURAND FLORENCE/SIPA

PROTÉINE. Depuis trente ans, les recherches de la cause de la maladie d’Alzheimer se concentrent sur une protéine cérébrale, le peptide amyloïde-β (bêta) dite aussi peptide A-bêta. Mais une étude internationale, publiée dans la revue Nature, vient de révéler... qu'elle n'est pas la seule ! Un nouveau peptide, jamais observé jusque-là, s’accumule aussi dans le cerveau et en perturbe le fonctionnement. Nommé par les chercheurs amyloïde-η (êta), il pourrait bien devenir une nouvelle cible pour contrer la maladie... mais pourrait perturber les recherches en cours.
Bêta et êta sont de proches cousins, voire des frères ! Les deux peptides sont en effet issus d’une même protéine mère. Pour rappel, la membrane des neurones renferme une protéine appelée APP (Amyloid Precursor Protein) qui est fréquemment coupée par des enzymes en différents endroits libérant des petits fragments d’APP dans le cerveau, entre les neurones. L'un de ces fragments, comptant 42 acides aminés en moyenne (briques constitutives des protéines), est le peptide amyloïde-β. "L’amyloïde-β relargué dans l’espace entre les neurones module la communication neuronale au niveau synaptique. C’est un processus normal mais qui devient pathologique quand amyloïde-β s’accumule", explique Hélène Marie, chercheuse à l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire du CNRS/UNS et co-auteure de l’étude. Tout le monde en produit régulièrement, ce peptide étant probablement nécessaire au bon fonctionnement cérébral en renforçant ou affaiblissant les connexions en fonction des besoins. Dans un cerveau normal, l’amyloïde-β est ensuite nettoyée et éliminée naturellement. En revanche, un cerveau malade se met à produire trop d’amyloïde-β ou l’élimine mal. Résultat : le peptide s’accumule puis s’agrège en dépôts solides, les fameuses "plaques" séniles, neurotoxiques.

Une modification de la communication synaptique

Mais ce mécanisme ne serait-il pas l'arbre qui cache la forêt ? "On s’est tellement concentrés sur ce mécanisme ces dernières décennies qu’on a négligé d’étudier d’autres types de clivages de l’APP, explique Hélène Marie. Or il y a d’autres coupes donnant d’autres fragments." C’est précisément ce qu’a découvert une équipe allemande de l’université de Munich, menée par Christian Haass. Les scientifiques ont observé qu’un autre peptide d’une centaine d’acides aminés, l'amyloïde-η, s’accumulait lui aussi autour des plaques séniles. "Nos confrères allemands nous ont demandé ensuite de tester ses fonctions dans le cerveau, rapporte la chercheuse. Nous avons alors montré que, comme l'amyloïde-β, ce peptide modifie la communication synaptique. En effet, dans un neurone sain, les synapses peuvent se renforcer (pour la mémorisation par exemple). Nous avons montré que cette propriété des synapses est diminuée en présence d'amyloïde-η." Par ailleurs, contrairement à l'amyloïde-β qui rend les neurones hyperactifs (plus d’échange ioniques observés), l'amyloïde-η les rend, lui, plus difficilement excitables.

Des conséquences immédiates sur les essais cliniques

"Au vu de sa neurotoxicité, ce nouveau peptide est sans doute impliqué dans le mécanisme de la maladie d'Alzheimer, mais d'autres travaux seront nécessaires pour déterminer son impact sur les déficits cognitifs", affirme le communiqué du CNRS. "Ce fragment de l'APP joue très probablement un rôle dans la maladie, renchérit Héléne Marie, mais nous ne savons pas encore lequel."
Cette découverte risque d'avoir des conséquences immédiates... sur les essais cliniques en cours, comme l'expliquent les auteurs. En particulier sur les essais visant à inhiber la β-sécrétase, une enzyme clé impliquée dans la formation d'amyloïde-β. "Nos expériences chez le rongeur montrent clairement que lorsqu’on bloque la β-sécrétase, on génère une augmentation forte d'amyloïde-η, rapporte Hélène Marie. Or l’excès d'amyloïde-η entraîne une baisse de l’excitabilité des neurones et modifie la communication synaptique avec un impact très probable sur la cognition. Il faut donc alerter les cliniciens sur les possibles effets secondaires de leur stratégie." 
source : sciencesetavenir