Des traitements moins agressifs pour l’artérite



La pose de stents ou de ballonnets permet de rétablir la circulation du sang dans les artères bouchées.


Image d'un dépôt graisseux dans la tunique interne (intima) d'une artère. © Inserm, Larrue Jacky

ARTÈRES. Ils ne mesurent que quelques millimètres de diamètre mais peuvent sauver une jambe ou un piedCes minuscules ballonnets, ou ces petites gaines grillagées et souples (stents), sont déjà connus du grand public pour leur utilisation en chirurgie cardiaque. Mais ces dispositifs étaient à l’honneur lors du 30e congrès annuel de la Société de chirurgie vasculaire de langue française (SCV) qui vient de se tenir à Montpellier pour les bouleversements qu’ils sont en train de permettre dans le traitement chirurgical de l’artérite en permettant de rétablir la circulation du sang dans les artères bouchées.
Cette affection redoutable, appelée égalementartériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), touche près de 800.000 personnes en France (202 millions dans le monde), est en effet responsable de plus de 7000 amputations de jambes ou de pieds par an. Or, elle demeure sous estimée car mal connue des patients et insuffisamment dépistée par les médecins (voir encadré ci-dessous).

Une alternative à la chirurgie classique

Pendant des années, pour réparer les artères atteintes d’athérosclérose, les praticiens avaient pour seul recours la chirurgie classique, dite ouverte. Ils pratiquaient une incision pour remplacer la portion atteinte de l’artère bouchée par des graisses par une prothèse synthétique ou par une veine de la jambe (la saphène interne) comme cela se fait au niveau du cœur en cas d’infarctus. "Aujourd’hui, ces gestes sont devenus quasiment obsolètes",précise le Pr Eric Steinmetz, chirurgien vasculaire au CHU de Dijon et secrétaire général adjoint de la SCV. Les chirurgiens peuvent désormais intervenir sans ouvrir en utilisant des ballonnets ou des stents. En introduisant ces petits dispositifs par l’artère fémorale, ils peuvent atteindre les zones malades clairement localisées lors d’examens spécialisés (échodoppler, angioscanner) en étant guidés par imagerie. Une fois en place, ces dispositifs maintiennent mécaniquement les vaisseaux ouverts et évitent qu’ils ne se rebouchent. Cette opération peu invasive mais délicate doit cependant toujours être pratiquée par un chirurgien vasculaire (environ 500 en France).

Stents et ballons diffusent aussi de véritables médicaments

Mais stents et ballons n’agissent pas uniquement par voie mécanique. Ils ont aussi une action chimique, comme le font de véritables médicaments. Ils délivrent en effet, juste au moment du gonflage pour les ballons ou pendant plusieurs semaines après leur pose pour les stents, des substances dites antiprolifératives (paclitaxel) qui agissent dans les parois des artères abîmées, réduisant ainsi d’un tiers environ le risque de récidive. Les chirurgiens savent en effet aujourd’hui que "les lésions des artères correspondent à des bourgeonnements des cellules de la paroi et se situent surtout près des bifurcations, en raison des turbulences importantes du flux sanguin à ces niveaux", précise le Pr Yann Goueffic chef de service du pôle vasculaire au CHU de Nantes et trésorier de la SCV. De l’avis des spécialistes, ces innovations sont en train de bouleverser la prise en charge chirurgicale de l’artérite. "Ils réduisent aussi les complications post-opératoires, détaille le Dr Jean Sabatier chirurgien vasculaire à Rouen, secrétaire général de la SCV. Cette approche endovasculaire est devenue le traitement de première intention."
Mais comment faire le tri parmi les multiples innovations proposées par les fabricants ? Pourquoi choisir tel ballonnet plutôt que tel autre ? Faut-il le choisir actif ou non ? Du côté des stents, même dilemme... Faut-il choisir ce dispositif qui se déploie aussitôt ou cet autre qui ne prend sa forme définitive qu’une fois en place et mis à la température du corps afin de se mouler au plus près de l’artère qu’il doit solidifier… "Notre travail va désormais consister à hiérarchiser ces différents dispositifs, pour optimiser nos choix en fonction des lésions", insiste le Pr Goueffic. Pas toujours simple à réaliser en pratique, quand de nouveaux dispositifs ne cessent d’arriver sur le marché, bien plus vite que l’évaluation des modèles plus anciens.

Un geste chirurgical qui peut être réalisé de manière ambulatoire

Tous les patients atteints d’artérite ne relèvent cependant pas tous de cette nouvelle approche. En effet, dans la très grande majorité des cas (90%), un traitement purement médical (vasodilatateurs, antiagrégants plaquettaires, traitement du diabète et de l’hypertension souvent associés…) ou des conseils d’hygiène de vie (arrêt du tabac, marche, perte de poids…) suffisent. Ce n’est que que lorsque ce traitement échoue (10%) - c’est-à-dire lorsque les douleurs sont permanentes ou la marche quasi impossible - que le recours à un geste endovasculaire s’impose. Parfois, ce geste peut même être réalisé de manière ambulatoire. Le patient sort alors de l’établissement le jour même de son intervention, quelques heures à peine après la pose du ballonnet ou du stent. Cette performance est rendue possible par une prise en charge améliorée dans des salles d’opération hautement spécialisées dites hybrides. Il s’agit de blocs opératoires high-tech, associant une salle d’intervention chirurgicale à un système de radiographie perfectionné pour pratiquer les gestes guidés par imagerie. A Nantes, une salle hybride de ce type a ouvert ses portes à l’automne dernier dans le service du Pr Goueffic."Aujourd’hui, 70% de notre activité y est ambulatoire", précise le spécialiste. Mais ce chiffre – qui est aussi celui réalisé sur l’ensemble du territoire allemand - est loin d’être le même partout en France où la moyenne générale est inférieure à 5%... Il n’existe en effet que quelques dizaines de salles hybrides en France, leur coût restant très élevé, soit environ 1 million d’euros. Reste encore à prouver par des études médico-économiques que cette approche génèrera des économies. A Nantes, une étude sur ce point (Ambuvasc) a déjà démarré.
Mieux dépister l’artériopathie

Officiellement, l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) concerne 800000 malades en France. En réalité, sans doute deux à trois fois plus. "La maladie est sous diagnostiquée mais aussi en augmentation", précise le Dr Jean Sabatier, chirurgien vasculaire à Rouen, secrétaire général de la Société de chirurgie vasculaire de langue française (SCV). "10 à 20% des plus de 55 ans sont concernés, renchérit  le Pr Yann Goueffic, chef de service du pôle vasculaire au CHU de Nantes. Classiquement prédominante chez les hommes, la maladie, très liée au tabac, concerne aujourd’hui désormais presque autant les femmes". Qui poursuit : "La maladie a progressé de 20% ces dernières années dans les pays riches et de 30% dans les pays à faible revenus"
En pratique, tout commence souvent par une crampe dans le mollet, survenant à la marche. Elle doit alerter et faire consulter rapidement, bien que cette crampe disparaisse au repos. Car sa présence traduit déjà une maladie évoluée, cette affection étant - comme le diabète ou l’hypertension - longtemps silencieuse. En l’absence de prise en charge, le périmètre de marche se réduit peu à peu jusqu’à rendre tout déplacement impossible. "L’examen de référence est la mesure de l’index de pression systolique, calculé à partir des chiffres de tension mesurés au bras et au pied. Mais il reste très insuffisamment pratiqué par les médecins généralistes", note le Pr Goueffic. Sans doute en raison du manque de temps, de connaissances ou de formation des médecins sur ce thème, comme l’ont déjà pointé plusieurs études.
source : sciencesetavenir