Paludisme : pour résister aux traitements, le parasite peut se mettre en sommeil



Des chercheurs français ont mis en évidence la capacité du parasite responsable du paludisme à se mettre en sommeil pour échapper à l'effet toxiques des médicaments. Une inquiétante stratégie de résistance.


Des globules rouges infestés de parasites Plasmodium falciparum, responsables du paludisme. ©Inserm, N. Messaddeq

RÉSISTANCE. Des chercheurs français ont découvert que le parasite responsable du paludisme, le plasmodium falciparum, est capable d'acquérir une inquiétante multirésistance aux traitements, y compris à des molécules qu'il n'avait jamais croisées auparavant. Lors de travaux en laboratoire, l'équipe dirigée par Françoise Benoit-Vical (Inserm/CNRS) a établis que des parasites exposés in vitro pendant cinq ans à la seule artémisinine - le composé de base du traitement standard - développent une résistance généralisée à la plupart des autres médicaments antipaludiques. Et pour ce faire, les parasites ont une stratégie bien particulière : la mise en sommeil.
En effet, les parasites échappent à l'effet toxique des médicaments par un phénomène d'endormissement ("quiescence"). Ils sont ainsi capables de suspendre leur développement pendant toute la durée de l'exposition aux médicaments antipaludiques. Mais, dès que ce traitement est arrêté, ils se "réveillent" et prolifèrent à nouveau. Au cours de l'expérience, des parasites ont été exposés durant cinq ans à des doses croissantes d'artémisinine et uniquement à ce médicament. Puis les chercheurs ont sélectionné des parasites devenus hautement résistants à ce médicament et ont testé sur eux une dizaine de molécules antipaludiques. Ils ont alors constaté l'apparition d'une résistance multiple chez ces parasites, "car tous n'avaient pas été tués par les traitements administrés", note la chercheuse.
Le paludisme est une maladie provoquée par des parasites du genre Plasmodium. Selon l’OMS, cette maladie cause aux alentours d’1 million de victimes par an dans le monde. Environ 40% de la population mondiale est exposée à la maladie et 500 millions de cas cliniques sont observés chaque année. La situation est d’autant plus préoccupante que depuis plusieurs années les parasites développent des résistances aux molécules antipaludiques et les moustiques craignent de moins en moins les insecticides.
Source : Institut Pasteur

Des résistances au traitement de plus en plus nombreuses

Cette nouvelle multirésistance basée sur ce phénomène de mise en sommeil n'est pas détectable par les tests actuellement utilisés pour apprécier la sensibilité du parasite aux traitements disponibles, d'après les chercheurs dont les travaux menés en collaboration avec l'Institut Pasteur, viennent de paraître dans la revue spécialisée Emerging Infectious Diseases. Cela constitue une menace supplémentaire pour les traitements antipaludiques utilisés sur le terrain, avertissent les chercheurs. Car si cette multirésistance était décelée chez des patients, cela menacerait les médicaments actuels, en particulier les combinaisons thérapeutiques recommandées, commente Françoise Benoit-Vical. "Il est donc indispensable de vérifier sur le terrain, chez des patients, et à l'aide de tests adaptés, si ce phénomène de mise en sommeil, identifié in vitro, est présent", dit-elle.
Le composé de base des thérapies contre le paludisme, l'artémisinine, rencontre de plus en plus d'échecs cliniques en raison de l'émergence de résistances dans toute l'Asie du Sud-Est. Des résistances qui, pour le moment, n'ont pas été observées sur le continent africain, souligne Mme Benoit-Vical. Le paludisme, dû à un parasite (Plasmodium falciparum) véhiculé par les piqûres de moustiques infectés, sévit majoritairement en zone tropicale. Et, même si la mortalité a diminué en 15 ans de 60%, la maladie reste responsable de 600.000 morts par an.
source : sciencesetavenir