«Le tabagisme d'une mère peut expliquer les troubles de la conduite de l'enfant»

Illustration de la consommation de tabac pendant la grossesse.
« Fumer enceinte nuit à votre bébé », indiquent certains messages préventifs sur les paquets de cigarettes. Les effets du tabac sur la santé respiratoire et allergique de l’enfant étaient déjà connus. Une récente étude publiée dans la revue Plos One complète le réquisitoire en pointant le lien entre tabagisme de la mère et troubles comportementaux de l’enfant. Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche à l’Inserm, détaille ces résultats.

Un chiffre d’abord : 21 % des enfants de l’étude sont exposés au tabac en période pré et postnatale. N’est-ce pas effrayant ?


Oui. Sur un total de 5.200 mamans, il y en a 1.100 qui ont exposé l’enfant à la fois pendant la grossesse et en postnatal, après la grossesse (donc 21 %). Ça, ce sont les addicts. Il y en a 1.900 qui ont exposé l’enfant en post-natalité, dans la première année de vie, mais qui ont arrêté de fumer pendant la grossesse.

Comment établissez-vous le lien entre tabagisme de la maman et troubles comportementaux ?


On a utilisé une échelle internationale (SDQ). Elle a été traduite et validée par des psychologues et psychiatres en France. A l’âge des enfants que nous avons considérés (en CM1 et CM2), les questions que nous avons posées aux parents sont de deux types. Elles ciblent les émotions et la conduite des enfants. Les émotions, c’est un enfant qui s’inquiète souvent, paraît soucieux, a de nombreuses peurs, se cramponne aux adultes dans des situations nouvelles, perd ses moyens facilement, somatise en se plaignant de maux de tête ou d’estomac. Coté conduite, c’est un enfant qui fait souvent des colères, n’obéit pas, se bagarre, ment, triche, vole. Nous n’avons pas analysé ces items de façon isolée. Nous avons fait un calcul. En fonction des réponses et de la fréquence des troubles, nous avons établi si le profil de l’enfant était normal, borderline ou anormal. Dans notre population, les troubles de l’émotion également appelés troubles de l’internalisation (le repli sur soi-même) étaient observés chez 15 % des enfants. Ceux de la conduite, 13 % des enfants. Ensuite, on a observé un risque d’avoir des enfants présentant à la fois des troubles de l’émotion et de la conduite lorsque la mère a fumé en post-natalité ou pendant la grossesse.

Comment être sûr que la nocivité de la cigarette est bien responsable de tout cela ?


Pour deux raisons. On a tenu compte de tous les facteurs qui pourraient expliquer cette relation. On a bien considéré les familles monoparentales par exemple, où la maman peut être plus stressée. On a aussi bien tenu compte de l’éventuelle dépression de la mère, de l’anxiété, qui pourrait être à l’origine des troubles de l’enfant. Et puis les données animales vont dans le sens de ce qu’on a établi, d’une façon plus mécanique. La nicotine est observée en tant que neurotoxique.

Quel est son effet sur le cerveau ?


Chez l’enfant, on n'en sait rien. Mais chez l’animal, on a observé que la nicotine contenue dans les cigarettes agit sur le cerveau en développement. Elle stimule un récepteur qui amène une mort cellulaire et une altération structurelle du cerveau. Nous sommes dans le cadre de troubles multifactoriels. Le tabagisme n’explique pas à lui seul ces troubles de la conduite ou de l’émotion. Mais il y contribue avec un rôle statistiquement significatif et peut les expliquer.

Ces troubles sont-ils irréversibles ?


Je n’ai pas les données pour répondre aujourd’hui. C’est très compliqué à dire. Nous ne savons pas. Nous ne savons pas non plus s’il y a un effet de type dose ou durée de l’exposition. Nous avons ciblé la vie précoce. En faisant une différence entre les enfants exposés, ou pas exposés. Nous n’avons pas non plus considéré la cigarette électronique
source : 20minutes