Pétards du 14 juillet : pour que la fête ne vire pas au cauchemar



A quelques jours de la fête nationale, la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique met en garde contre le fléau que représentent les blessures des mains et du visage par pétards et feux d’artifice.


Les accidents sont très nombreux lors de la fête nationale. © Thibault Camus/AP/SIPA

CHIRURGIE. "Sur toutes ces mains victimes de pétards ou de feux d’artifice plane le spectre d’amputations uni ou pluri-digitales", souligne la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (SOFCOT) dans un communiqué publié à quelques jours du 14 juillet. Les accidents sont en effet très nombreux lors de la fête nationale où d'innombrables pétards explosent au coin des rues et où des amateurs manipulent en toute inconscience des fusées de feux d'artifice. Sans qu'il existe pour autant de statistiques nationales recensant ces blessures. "A ce jour, nous ne disposons pas de chiffres nationaux. J’estime cependant qu’au moins 500 traumatismes par pétards se produisent chaque année en France. Ils peuvent toucher les mains et/ou la tête", précise le Pr Philippe Livernaux, chef du service SOS Mains des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui a réalisé la seule étude épidémiologique française ayant classé les lésions des mains selon leur sévérité.
Aux Etats-Unis, dans l’Etat du Maine, un jeune homme de 22 ans, ivre, est mort le 4 juillet 2015, jour de la fête nationale américaine. Après avoir bu avec des amis pour fêter l’Independance Day, Devon Staples a mis le feu à un mortier qu'il avait placé juste au-dessus de sa tête. Le décès a été instantané. Il s'agit du premier depuis que le Maine a décidé de légaliser la vente des feux d’artifice en janvier 2012. 
Le 8 juillet 2015, au Texas, un homme est mort sur le coup après avoir allumé un feu d'artifice sur sa poitrine. Justin Bartek, 30 ans, est décédé à l'hôpital de Columbus.

Des lésions complexes posant un défi technique aux chirurgiens

Le communiqué de la SOFCOT précise d'ailleurs que ces lésions sont complexes car elles concernent de nombreux tissus : les os et les parties molles, en l’occurrence les tendons, les muscles, les vaisseaux et les nerfs. Elles posent en outre un défi technique aux chirurgiens confrontés aux limites de leur savoir-faire en matière de réparation. En effet, les difficultés opératoires sont amplifiées par la multiplicité des mécanismes destructeurs liés à l’effet de souffle (blast), à savoir les brûlures thermiques et chimiques.
Ainsi, l’an dernier, des chirurgiens strasbourgeois ont publié dans la revue Chirurgie de la main un article détaillant les traumatismes par pétards et feu d’artifice survenus entre 2006 et 2012 en Alsace, région dans laquelle les pétards de la catégorie K1 (interdits aux moins de 12 ans) sont en vente libre, alors que les "mortiers" K2 et K3, interdits aux moins de 18 ans et qui contiennent une plus grande quantité de poudre, sont interdits.
Durant cette période, les traumatismes ont concerné 58 patients, âgés en moyenne de 25 ans. La majorité n'a d'ailleurs pas été occasionné lors du 14 juillet, mais dans la nuit du Nouvel An où l'utilisation de pétards est très répandue dans cette région. Le Pr Philippe Livernaux se veut cependant optimiste : "Le nombre d’accidents graves par pétards a nettement diminué en Alsace depuis deux ans. Dans les départements en Bas-Rhin et du Haut-Rhin, plusieurs actions de prévention ont été menées. Des policiers et gendarmes ont ainsi sensibilisés plus de 20.000 élèves des classes de 4à ce danger", précise-t-il.
Les douanes et la gendarmerie ont aussi mené des actions à la frontière avec l’Allemagne en recherchant dans les coffres des frontaliers des pétards fabriqués outre-Rhin mais interdits en France. Une action que le Pr Liverneaux juge cependant "pas très efficace et peut-être inutile". Selon lui, elle incite à se procurer des engins pyrotechniques de contrebande ou à fabriquer soi-même des produits défectueux via des procédés trouvés sur Internet. En revanche, le chirurgien salue la présence discrète de la police sur la place principale de Strasbourg lors de ces nuits à risque. "Elle incite les gens à se montrer plus responsables, moins enclins à utiliser n'importe où leurs pétards et à le faire dans une ambiance moins alcoolisée."
Ne jamais allumer de pétard tenu dans la main"
Pour le Pr Liverneaux, le plus important message de prévention consiste à inciter les jeunes à ne pas allumer de pétard en le tenant à la main, et à ne surtout pas s'en approcher. "On le pose sur un muret, sur un support quelconque. En effet, le pétard peut exploser et vous blesser grièvement. Nous avons ainsi enregistré localement deux décès en décembre 2013 et un autre en 2014. A chaque fois, il s’agissait de mortiers artisanaux, fabriqués à partir de recettes trouvées sur Internet ou provenant de contrebande. Comme ils n’avaient pas explosé, les jeunes se sont approchés. C’est alors que le mortier leur a explosé en plein visage. Le message capital est donc que si un mortier ne s’est pas allumé, ce n’est pas la peine d’aller voir. Il faut jeter un seau d’eau dessus pour le neutraliser". De même, les comportements irresponsables comme d'allumer un feu d’artifice sur son crâne sont à bannir.
Les lésions par pétards concernent les mains dans 60 % des cas. Elles vont de la simple brûlure qui nécessite un pansement et va guérir toute seule à l’amputation d’un ou plusieurs doigts, voire de la totalité de la main, ou des deux mains. Dans 40% des cas, c’est le visage qui est touché, notamment les yeux. On observe alors des brûlures de la cornée qui nécessitent une greffe. Dans de rares cas, la victime peut devenir aveugle. Sous l’effet du blast,l’oreille interne peut aussi subir un important traumatisme, à l’origine parfois d’une surdité. Enfin, le blast peut provoquer des lésions cérébrales, parfois mortelles.
source : sciencesetavenir