Hépatite C : la maladie éradiquée d'ici dix ans ?


La maladie évoluant silencieusement, le dépistage reste tardif. Au point qu'en France, 75.000 personnes atteintes d'hépatite C chronique l'ignoreraient.


La panoplie des nouveaux médicaments disponibles en France, des antiviraux d’action directe (AAD), parmi lesquels le Sovaldi (des laboratoires Gilead), ne cesse de s’agrandir. © Uncredited/AP/SIPA

Se dirige-t-on vers la fin de l’hépatite C en France ? C'est l'idée que défend l'Association française pour l'étude du foie (AFEF), à l'occasion de la Journée nationale de lutte contre les hépatites, le 2 juin 2015. Grâce à l'arrivée de nouveaux médicaments, très coûteux, une éradication de cette infection chronique du foie (pour laquelle il n'existe aucun vaccin) pourrait être envisageable une décennie"Nous sommes passés de traitements lourds et longs, avec des effets indésirables et des taux de guérison de l’ordre de 70 % à des traitements simples (un ou deux comprimés administrés par voie orale), courts, bien tolérés et qui assurent des taux de guérison de plus de 95 % le plus souvent en seulement trois mois", a souligné à l'AFP le Pr Victor de Lédinghen (CHU de Bordeaux), secrétaire général de l’Association française pour l’étude du foie (AFEF).
Plus il y aura de molécules, plus cela fera baisser les prix de ces traitements encore très coûteux aujourd’hui"
La panoplie des nouveaux médicaments disponibles en France, des antiviraux d’action directe (AAD), parmi lesquels le Sovaldi (des laboratoires Gilead), ne cesse de s’agrandir. "C’est la première fois dans l’histoire de la médecine qu’on peut guérir une maladie chronique grâce à un traitement médical de 3 mois sans effets indésirables sévères", se réjouit auprès de l'AFP le Pr Victor de Lédinghen. Sauf qu'ils restent encore très chers.
Au nombre de 7 actuellement, les traitements seront bientôt 9 (avec la combinaison grazoprevir + elbasvir du laboratoire américain Merck). Et d’autres molécules sont encore attendues en 2016 (beclabuvir de BMS et GS-5816 de Gilead). "Plus il y aura de molécules, plus cela fera baisser les prix de ces traitements encore très coûteux aujourd’hui", explique à Sciences et Avenir Jean-François Corty, directeur Mission France de Médecins du monde. Cette ONG lutte activement pour que le Sovaldi, qui coûte 41.000 euros pour trois mois, soit moins cher. En février 2015, elle a déposé un "mémoire d'opposition au brevet" du Sovaldi, auprès de l'Office européen des brevets, organisme qui délivre et protège les brevets industriels dans 40 pays européens. "L'Office tranchera dans un peu plus d'un an", précise à Sciences et Avenir Jean-François Corty.
Avec 14.000 patients traités grâce à ces nouvelles molécules en 2014, et sans doute plus de 15.000 en 2015, 30.000 malades sévèrement atteints devraient avoir été traités en deux ans. "Les autres devront progressivement en profiter", selon cette société française d’hépatologie. Pour Jean-François Corty, le nombre de patients pris en charge reste toutefois insuffisant. "Il serait possible de prendre en charge plus de 15.000 patients par an si l'AFEF montait au créneau auprès du gouvernement et des laboratoires", juge-t-il. "Vouloir éradiquer la maladie d'ici dix ans n'est pas assez ambitieux. On pourrait l'éradiquer plus vite."
75.000 Français ignorent qu'ils sont touchés 
En France métropolitaine, 230.000 personnes ont une infection chronique active du virus de l'hépatite C (avec multiplication du virus décelable dans le sang). La maladie évolue le plus souvent silencieusement et le dépistage est généralement tardif, ce qui explique que de nombreux sujets infectés connaît son statut sérologique. Ainsi, en France, le nombre d'adultes ignorant qu'ils sont atteints d'une hépatite Cchronique est estimé à 75.000 pour l'année 2014, chiffre en baisse par rapport aux 100.000 cas estimés en 2004, selon une étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l'Institut de veille sanitaire (InVS). Parmi les 75.000 Français non diagnostiqués en 2014, la majorité sont des hommes, comme le montre le graphique ci-dessous.



© BEH, InVS
source : sciencesetavenir