Le chewing-gum, est-il bon ou mauvais pour la santé ?

Pour redonner l'envie de mâcher à des consommateurs blasés, les fabricants de chewing-gum parent leurs produits de vertus nutritionnelles et sanitaires.


Menthe, eucalyptus, vanille-fraise, goût longue durée, sans sucre... Débarqués en France dans les poches des soldats américains dès la Première Guerre mondiale, les chewing-gums ont longtemps su séduire les Français.
Mais ces dernières années, malgré un effort constant pour coller aux tendances, le marché décroche. Rien n’y fait, ni le lancement de produits fantaisie visant les ados ("fruit sunrise" ou "fraise fantasy" de Hollywood Chewing-gum), ni les Chicza à base de gomme à mâcher naturelle pour les adeptes du commerce équitable, ni même les antiagrégants et biodégradables pour lutter contre le fléau des trottoirs qui collent (Rev7 du fabricant britannique Revolymer Limited).
ATOUT SANTÉ. Selon les données du ministère de l’Agriculture, le marché français a chuté de 6 % par an depuis 2007. Seul argument de poids pour tenter de faire encore saliver le consommateur : l’atout santé. Les fabricants insistent désormais, non plus sur le plaisir, mais sur le "segment bucco-dentaire" : selon eux, mâcher un chewing-gum après le repas serait bénéfique pour notre hygiène et pourrait même pallier l’absence de brossage des dents. Un argument qui tient plus du rêve que de la réalité.

Des édulcorants aux effets secondaires

Le chewing-gum est composé de cinq types d’ingrédients : la gomme de base, les arômes, les colorants, les conservateurs, et les édulcorants. 95 % des dragées et tablettes commercialisées en France étant "sans sucre", les fabricants utilisent du xylitol et, dans une moindre mesure, du sorbitol et du maltitol.
Ces édulcorants de la famille des polyols possèdent un pouvoir sucrant inférieur ou égal à celui du saccharose (sucre) mais présentent l’avantage recherché d’être moins caloriques (1,5 à 3 kilocalories contre 4 kcal) du fait d’une résorption intestinale incomplète. Attention, ceux-ci n’étant que partiellement digérés par notre organisme, leur consommation excessive peut avoir un effet laxatif.
Afin d’éviter d’éventuels troubles intestinaux, il est déconseillé d’ingérer plus de 70 g/jour de xylitol et plus d’une vingtaine de grammes de maltitol et de sorbitol. Les chewing-gums sans sucre contiennent en moyenne de 60 à 70 g de polyols aux 100 g, le fabricant n’ayant pas obligation de préciser leur quantité respective. Un chewing-gum pesant autour de 2 g, mieux vaut donc ne pas en consommer plus d’une dizaine par jour.

Il ne rendrait pas hyperactif

Le benzoate de sodium (E 211), principal conservateur présent dans les chewing-gums, a été accusé de rendre les enfants hyperactifs. À ce jour, l’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) n’a cependant pas validé cette accusation, jugeant les preuves apportées par les études insu? santes (1).

Il peut perturber la digestion...

La mastication de la gomme à mâcher induit une production de salive. En l’avalant, le "masticateur" déglutit de l’air, ce qui peut provoquer des ballonnements et des flatulences. Les polyols fermentescibles (FODMAP) — auxquels appartiennent sorbitol, maltitol et xylitol — accentuent les symptômes des personnes souffrant du syndrome de l’intestin (ou côlon) irritable (2). Il n’existe en revanche pas de risque à avaler un chewing-gum. Celui-ci sera rejeté avec les autres déchets non digestifs. Toutefois, l’ingurgitation accidentelle par les enfants d’un nombre important de chewing-gums peut, dans de rares cas, provoquer une occlusion intestinale (3).

... mais aussi la rétablir

Une étude parue en 2013 a montré que les chewing-gums accéléreraient la reprise du transit intestinal après une opération chirurgicale. Cet effet bénéfique reposerait sur les mouvements de mastication qui stimulent directement et indirectement l’ensemble du système digestif, intestins compris (4).

Ses bienfaits sur la mémoire sont discutés

Plusieurs études ont attribué au chewing-gum un effet positif sur la mémoire, la mastication pouvant avoir pour résultat une augmentation de l’afflux de sang au cerveau, intensifiant ainsi son oxygénation et ses capacités (5). Mais une récente étude galloise montre au contraire que la mastication distrait les sujets dans leurs tâches d’apprentissage (6). Ainsi, chez des personnes devant retenir une série de lettres, celles qui mâchaient de la gomme faisaient en moyenne 10 % d’erreurs en plus que celles qui n’en mâchaient pas.

Il participe en partie à l'hygiène bucco-dentaire

L’Union française de santé buccodentaire (UFSBD) (7) préconise de mâcher un chewing-gum sans sucre pendant vingt minutes après le repas de midi. En effet, la mastication de gomme produit une salive qui, en balayant la cavité buccale, favorise l’élimination de la plaque dentaire à l’origine des caries et du développement sur la langue de molécules soufrées responsables de la mauvaise haleine. Grâce au bicarbonate qu’elle contient, la salive permet aussi de neutraliser l’effet acidifiant de certains aliments, le pH acide étant favorable au développement de la plaque dentaire. Le xylitol renforce cet effet, les bactéries de la bouche ne pouvant le fermenter. Cependant, « il est tendancieux de laisser croire qu’un chewing-gum suffit à lutter contre la plaque dentaire, là où le brossage et le nettoyage interdentaire sont indispensables », rappelle le chirurgien-dentiste Jean-Marc Dersot (Paris).
Par Marie-Noëlle Delaby
(1) Évaluation des résultats de l’étude de McCann et al. (2007) sur l’effet de certains colorants et du benzoate de sodium sur le comportement des enfants, Efsa, 2008.
(2) Manipulation of dietary short chain carbohydrates alters genesis of symptoms in irritable bowel syndrome. J Gastroenterol Hepatol, 2010.
(3) Intestinal obstruction caused by swallowed chewing gum : a report of two cases , J of indian association of pediatric surgeons, 2000.
(4) Postoperative gum chewing after gynecologic laparoscopic surgery. Obstetrics & Gynecology, juillet 2013.
(5) Chewing gum selectively improves aspects of memory in healthy volunteers. Appetite, juin 2002.
(6) Gummed-up memory: chewing-gum impairs shortterm recall. Quarterly J of Exp Psychol, 2012.
(7) Nouvelles recommandations de l’UFSBD, 19 novembre 2013, www.ufsbd.fr